S1 / Chapitre 12 - Jusqu'au bout

Fin de l'hiver. La neige continuait d'envelopper le Connecticut du froid qu'elle apportait avec elle. Les collines autrefois herbeuses qui menaient à des montagnes de roche grise n'étaient plus que des dômes blancs, des lagunes d'un sable clair qui, lui, ne partait pas avec le vent.

La dernière période scolaire débutait. Les étudiants avaient grandi, y compris Aurelio et Adam, et les devoirs devenaient plus durs, plus longs, plus complexes. Mais les deux frères voyaient enfin le bout de leurs travaux et, bientôt, ils reviendraient à Monte Vista tout beaux, fraîchement diplômés.

Aurelio avait mis sa vie sociale de côté, ces derniers temps, pour se consacrer (presque) entièrement à ses études. L'obtention d'un diplôme de communication lui était primordiale et plus dure qu'il ne l'aurait cru. Il continuait de participer au groupe d'études du soir et se rendait régulièrement à la bibliothèque pour se documenter afin d'achever correctement ses dissertations, analyses et autres travaux.

Adam avait aussi dû se mettre à la théorie, même s'il avait pour cela forcé sa volonté. Il continuait tout de même la pratique en travaillant sur son modèle de scanner neurologique avancé. Mais Adam commençait à se rendre compte qu'avoir la tête baissée dans les bouquins et surtout dans les études ne faisaient pas la vie, et qu'il lui faudrait, à un moment ou à un autre, se mêler à ses camarades pour s'épanouir un peu…

D'un autre côté, Adam ne parlait pratiquement plus à Aurelio. Ou était-ce l'inverse ? Il en avait l'impression. Il en voulait à son frère de le laisser se débrouiller seul pendant que lui, l'aîné, le grand, celui que l'on admirait, rendait visite à ses amis et dormait chez sa belle, Mika Moore. Que croyait-il ? Qu'il ne savait pas qu'il ne téléphonait plus à ses parents, et que Vincenzo et Simona étaient obligés de passer par Adam pour avoir de ses nouvelles ? Que ses amis valaient plus que son frère, avec qui il avait passé toute son enfance ?

Aurelio n'était pas conscient du mal-être d'Adam. Il avait bien observé une certaine froideur chez lui ces derniers temps, outre sa nature timide et solitaire. Mais il avait trop de travail. Les travaux pratiques demandaient beaucoup de préparation, et mener une émission de radio de plus en plus populaire sur le campus n'était pas rien.

Étudiant – ...Mais vous savez, la mascotte de l'université n'a pas pour seul but que de se trimballer en costume. En dépit de ces moments amusants que nous passons déguisés en lama, nous avons aussi un rôle de représentants : nous sommes des sortes de « délégués », c'est-à-dire que nous faisons le lien entre les étudiants, les professeurs et l'administration. C'est très intéressant.

Aurelio – Vous avez un pouvoir décisionnaire ?

Étudiant – Si l'on peut dire. Disons que les actuels directeurs du campus nous ont donné l'autorisation, et nous encouragent, même, à organiser des événements culturels. Des soirées musicales, des concours, des manifestations… Enfin, ça, c'est plutôt les étudiants qui le veulent. Mais moi qui suis ici depuis longtemps, j'ai connu les anciens dirigeants de l'université, et je peux vous dire que ce n'était pas la même chose… A cette époque, nous servions plus de surveillants qu'autre chose.

Aurelio – Merci beaucoup, Jacob ! Gloire aux lamas !

En dehors des heures de travail et de cours, Aurelio continuait d'écrire ses romans. Avec déjà trois œuvres publiées et une quatrième en préparation, il commençait à se faire remarquer dans le milieu de la littérature de science-fiction. Son but était aussi de s'assurer une carrière de secours, si l'on pouvait dire, au cas où le journalisme serait une voie à laquelle il ne pourrait accéder. Même s'il était difficile de vivre de ce que l'on écrivait à l'heure actuelle, Aurelio gagnait déjà plusieurs centaines d'euros chaque mois de la part de son éditeur.

Deux fois par semaine, et depuis plusieurs mois, Adam apportait sa contribution aux scientifiques de l'université. Étant donné ses excellents résultats et son engagement dans le travail scientifique, ses professeurs lui avaient proposé de travailler en coopération avec des experts de la police scientifique et technique, qui résidaient en consultant sur le campus. Adam n'oubliait pas non plus le projet de groupe et continuait à travailler sur le réacteur tel un chef de groupe.

Aurelio invitait parfois Mika à la maison. Depuis la fête de son ami Miles Forthright, où il avait fait un petit excès d'alcool, il sortait avec celle qu'il considérait comme le prolongement de lui-même. Elle était la suite de ses idées, et lorsqu'ils étaient tous les deux, ils ne faisaient qu'un. Cela faisait un bout de temps qu'ils sortaient ensemble, et il commençait à envisager plus grand pour eux. Dès qu'ils auraient leur diplôme (d'Arts Plastiques pour elle), Aurelio lui proposerait de le rejoindre à Monte Vista. Peut-être était-ce l'occasion de fonder sa propre famille et de s'éloigner un peu de sa famille, d'avoir son indépendance ?

Professeur – Et souvenez-vous que le plus important, c'est d'avoir un rythme de travail sain. C'est déjà fichu pour vous si vous ne travaillez pas régulièrement, mais n'essayez pas de réviser à fond la veille des examens. On y est presque, et si vous partez en vrille à cause de la masse de travail qui vous semble ou est trop importante pour vous, vous ficherez en l'air vos heures de cours, et tout ce que vous avez fait pour parvenir jusqu'ici. N'oubliez pas non plus de consulter tout ce qui touche à votre matière, que ce soit livres, films, articles, documentaires. Avoir une bonne culture permet de se sortir du pétrin si vous n'êtes pas en très bonne posture concernant les connaissances de base.

Aurelio continuait à entretenir sa forme physique. Lorsqu'il avait rencontré, à l'occasion d'un article à rédiger sur le sport professionnel, un entraîneur d'athlétisme, il avait été séduit par la satisfaction, le succès que pouvait apporter une carrière dans le sport. Peut-être que c'était une autre voie à emprunter ?

Adam semblait avoir enfin trouvé le secret du projet de groupe scientifique. Il parvenait à faire fonctionner, après des mois et des mois de recherche, un réacteur électrique propre. Bon, ce n'était qu'une version primitive d'un vrai réacteur, et elle ne produisait que peu d'électricité, mais Adam était sur la voie !

En dépit de la découverte qu'il avait fait, Adam se concentra, la dernière semaine, sur ses révisions. Car oui, après tant de temps passé à apprendre, à travailler, à écrire, à pratiquer…

...L'heure était à l'examen final !

A suivre !